Histoire du G.·.O.·.D.·.F.·.

Naissance du GODF
Le Grand Orient de France est né en 1773 d'une profonde transformation de la première Grande Loge de France, fondée le 24 juin 1738.
C'est à la suite de la mort le 16 juin 1771 de son dernier grand maître Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont-en-Argonne, que débute cette transformation.
Cette fondation fait suite aux querelles au sein de la Grande Loge de France entre systèmes de hauts-grades rivaux qui essayent d’en prendre le contrôle et se met en sommeil en 1766.

L'organisation du GODF
1773 voit une nouvelle tentative pour doter la Maçonnerie française d’un centre commun et d’une autorité reconnue.
Deux principes sont définis :
l’élection des officiers et la représentation de toutes les loges.
Sur cette base les représentants de toutes les loges – y compris et pour la première fois des loges de provinces – sont convoqués.
Les travaux des 17 réunions plénières aboutissent à la formation du Grand Orient de France.
Au nom du Grand Maître, le Duc de Chartres, et sous l’autorité réelle de l’Administrateur Général, le Duc de Montmorency-Luxembourg, le Grand Orient est géré par trois chambres où siègent les représentants élus des loges. Comme le précise une circulaire de 1788 : « le fonctionnement du Grand Orient est essentiellement démocratique ». Les neuf dixièmes des loges françaises se rallient à la nouvelle structure.

Le GODF et la révolution de 1789
La création du Grand Orient marque le retour aux leviers de commande de la Maçonnerie française de la noblesse libérale et de la bourgeoisie éclairée. Celles-ci joueront naturellement un rôle de premier plan dans les événements de 1789.
On retrouve des Maçons dans tous les débats, et dans tous les camps, de la Révolution Française. Ils sont cependant sur-représentés chez les Girondins.
Au delà des itinéraires personnels, la sociabilité maçonnique et le fonctionnement des loges, basés sur la discussion et l’élection, ont certainement largement contribué – peut-être dans beaucoup de cas inconsciemment – à la diffusion des idées nouvelles.
Dans les années qui précèdent la Révolution, des loges prestigieuses comme Les Neufs Sœurs, Les Amis Réunis ou La Candeur rassemblent des élites gagnées au « parti philosophique ».

Sous Bonaparte
Entre 1800 et 1815, la Maçonnerie fut à la fois favorisée et étroitement contrôlée. La bourgeoisie voyait en Napoléon un rempart contre le retour de l’Ancien Régime et les dérives de la Révolution. Les élites bourgeoises qui accèdent au pouvoir grâce à la Révolution et à l’Empire ont souvent été franc maçons sous l’Ancien Régime.
Le Grand Orient connaît alors un grand développement dans les 139 départements que compta la France impériale à son apogée. Par ailleurs, dans toute l’Europe napoléonienne, la Maçonnerie impériale fut l’outil de diffusion de la philosophie des Lumières, à laquelle étaient massivement restés fidèles les cadres de l’Empire. Les principes philosophiques et religieux de la Révolution restent à l’honneur. Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie ou Murat, roi de Naples sont aussi Grands-Maîtres en leur royaume.
A la suite de l’expédition du Caire, la Maçonnerie verse dans une intense égyptomanie, et en 1813 apparaît le Rite de Misraïm ou d’Egypte.

Sous la deuxième république
En 1830, de très nombreux maçons sont impliqués dans les Trois Glorieuses et le Parti du Mouvement, dont le Frère Lafayette est la figure emblématique, comprend de nombreus Franc Maçons.
L’échec politique des libéraux de progrès à partir de 1834 accentuera le brassage des idées nouvelles dans les loges. L’intérêt pour les questions politiques et sociales n’est plus l’exception.
1848 verra l’émergence de la première génération de loges engagées. Le gouvernement de la Seconde République compte de nombreux maçons dont Flocon, Crémieux, Garnier-Pagès, Pagnerre, Carnot et Shoelcher qui fait aboutir son généreux combat pour l’abolition de l’esclavage.
L’engagement de nombreuses loges en faveur d’une République sociale mit en difficulté l’administration du Grand Orient lors du retour au pouvoir du parti conservateur. La Maçonnerie était en ligne de mire. La diplomatie du frère Perier, secrétaire de l’obédience, réussit à limiter la répression à la fermeture définitive de 5 ou 6 ateliers au plus, les plus engagés, et à la suspension provisoire de quelques dizaines de loges. Les « Démoc-Soc » quarante-huitards réfugiés à Londres constituent des loges d’opposants à Napoléon III.

Le second empire
Pour survivre à la proclamation de l’Empire Autoritaire et prévenir toute interdiction de la Maçonnerie après le Coup d'état du 2 décembre, le Grand Orient dut donner des gages.
Il porta donc à sa présidence Lucien Murat, un proche de Napoléon III qui n’était pas des plus éclairés. Il tenta de constituer une maçonnerie « officielle » limitée à l’exercice du rituel, à la bienfaisance et à l’étude de la morale. On doit néanmoins mettre à son actif l'achat de l'ancien hôtel du Maréchal de Richelieu, qui est aujourd'hui encore le siège du Grand Orient de France.
Cette tentative de reprise en main autoritaire du Grand Orient créa de multiples oppositions, au point que le Grand Maître Murat fut obligé de se retirer en 1861.

La IIIème république
La IIIe République dans les années 1880 marque donc le retour de la Maçonnerie dans l'espace social où se fait l'Histoire. Il va s'accompagner d'un profond renouvellement du GODF. Le courant progressiste prend le pouvoir au Grand Orient en 1880. A la même époque les loges bleues du Suprême Conseil s’émancipent pour finalement créer la Grande Loge de France. Les jeunes cadres de la nouvelle République, marqués par le positivisme, vont aussi vouloir réformer la Maçonnerie pour en faire un outil au service du progrès de l’humanité.
Ainsi – héritage croisé du déisme des Lumières et du spiritualisme de 1848 – la Constitution du Grand Orient précisait que la Franc-maçonnerie avait pour principes « l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme ». Cette obligation de nature religieuse n’était plus respectée dans les faits à une époque où les élites intellectuelles étaient profondément marquées par l’agnosticisme philosophique d’Auguste Comte. En 1877, le Convent du Grand Orient de France abolit donc cette obligation. Ainsi, est née la Maçonnerie libérale – ou adogmatique – qui, considérant que l’engagement maçonnique n’est pas d’essence religieuse, laisse à ses membres la liberté de croire ou de ne pas croire.
Cette décision fait aujourd’hui encore l’originalité du Grand Orient en le mettant à l’avant-garde, selon les uns, ou hors la loi, selon les autres, de la Franc-maçonnerie universelle.

Un combat pour la laïcité
Le vote de la Loi de 1901 sur les associations, soutenue et amendée au parlement par le frère Groussier, la victoire du bloc des gauches en 1902 et l’avènement du ministère dirigé par le frère Émile Combes, qui engage au pas de charge, avec le soutien sans faille du Grand Orient, la séparation de l’Église et de l’État, aboutissent à un climat de tension opposant la France laïque à la France cléricale et à la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican.
La séparation est obtenue en 1905 après la chute du gouvernement Combes.
En 1913, le Grand Orient n'oblige plus ses loges à travailler à la gloire du Grand Architecte de l'Univers. Les quelques loges voulant revenir à une pratique maçonnique théiste, seule régulière de leur point de vue, quittent le Grand Orient et créent la « Grande Loge nationale indépendante et régulière pour la France et ses colonies » , future Grande Loge nationale française (GLNF).

Seconde Guerre mondiale et reconstruction du GODF
En 1939, lorsque la guerre éclate, le Grand Orient s'est trop identifié à la République pour survivre à sa chute. Il est dissout par décret gouvernementalN 12 en août 1940 mais la Gestapo en zone occupée a déjà procédé à des arrestations.
La maçonnerie est présentée par la propagande du régime de Vichy comme un « instrument aux mains des juifs » et responsable de la défaite, l'antimaçonnisme du régime rejoignant dès lors son antisémitisme. Des listes de noms sont dévoilés et paraissent en 1941 dans le Journal officiel, les francs-maçons sont exclus de la fonction publique et parfois pris comme otages par les Allemands ou la milice. Pendant ce conflit mondial, des francs-maçons du Grand Orient de France s'engagent dans la Résistance, en particulier dans le réseau « Patriam Recuperare ». Le régime de Vichy persécute sévèrement les francs-maçons. Le Grand Orient et la franc-maçonnerie y perdent de nombreux membres dont Jean Zay, Pierre Brossolette. À la Libération, le GODF compte moins de 7 000 membres, ils étaient 30 000 en 1939...
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale et après l’échec de la tentative d'unification du Grand Orient et de la Grande Loge de France en 1945, l'obédience peine à rétablir ses effectifs dans une société où reconstruire, trouver du travail et se nourrir reste l'essentiel.
À partir du milieu des années 1950, le Grand Orient de France bénéficie à la faveur d'une évolution générale de la société — et à l'instar de toutes les obédiences — d'un nouveau développement.
En mai 1968, il prend fait et cause pour le mouvement étudiant et ouvrier et combat fermement les textes qui remettent la laïcité scolaire en cause. Depuis quelques années, bénéficiant d'une longue période de stabilité, les effectifs du Grand Orient de France connaissent une nette progression : le nombre de membres est passé de 31 000 (1990) à approximativement 52 000 en France et dans le monde (2015) dont 2 000 femmes.